Détaché du reste du massif par l’érosion, le Mont Aiguille culmine à 2 087 mètres. Sa forme unique, presque irréelle, lui a valu le surnom de « Mont Inaccessible ». Pourtant, il a été gravi, et son histoire est intimement liée à celle de l’alpinisme. Cette montagne est en effet considérée comme le berceau de l’alpinisme et ce sommet a vu se dérouler des ascensions audacieuses et des exploits retentissants qui ont marqué l’histoire de la montagne.
Tout savoir sur sommet mythique du Vercors
L’histoire du Mont Aiguille :
La première ascension, un acte fondateur
En 1492, Antoine de Ville, capitaine du roi Charles VIII, réalise la première ascension du Mont Aiguille. Un exploit qui marque une rupture avec les pratiques de l’époque et qui est considéré comme l’acte fondateur de l’alpinisme.
Cette ascension, réalisée avec des moyens rudimentaires, est un témoignage de l’audace et de la détermination des premiers alpinistes. Elle ouvre la voie à de nouvelles explorations et à de nouvelles conquêtes.
Les grandes figures de l’alpinisme au Mont Aiguille
Au fil des siècles, le Mont Aiguille est devenu un terrain de jeu pour les alpinistes les plus audacieux. De nombreuses voies d’escalade ont été ouvertes, chacune représentant un défi unique.
Parmi les grandes figures qui ont marqué l’histoire de l’alpinisme au Mont Aiguille, on peut citer :
- Jean-Baptiste Dortan, qui réalise la deuxième ascension en 1834, près de quatre siècles après Antoine de Ville.
- Émile Javelle, qui ouvre de nouvelles voies dans les années 1880 et qui contribue à faire connaître le Mont Aiguille auprès des alpinistes.
- Armand Charlet, qui réalise de nombreuses ascensions dans les années 1920 et qui est considéré comme l’un des pionniers de l’alpinisme moderne.
Un symbole de l’alpinisme
Le Mont Aiguille est bien plus qu’une montagne. C’est un symbole, un lieu où l’histoire et la nature se confondent. Il représente l’esprit d’aventure et la passion de la montagne qui animent les alpinistes depuis des siècles.
Comment alors ne pas tenter l’ascension d’un tel sommet mythique ?
Voilà donc l’objectif : une double ascension ! La Voie Normale et la Tour des Gémeaux !
Mais avant toute chose pour réaliser ce combo sur plusieurs jours il est impératif de choisir un point de bivouac pour se poser.
Plan pour accéder au Mont Aiguille et choix de la zone de bivouac
Pour bivouaquer il y a en fait 2 possibilités :
- Soit au nord du Mont Aiguille près de la rivière dans le virage entre Cotte et la Bâtie. Une zone plane de part et d’autre du pont permet de poser le van et la rivière est idéale pour se baigner en fin de journée. Inconvénient : pas de ravitaillement dans le parages. D+ de 620 mètres
- Soit au sud à la Richardière du côté de Chichilianne : avantage ravitaillement possible à l’épicerie de Chichilianne. D+ 680 m depuis La Richardière ou 530 m en montant en voiture par la piste jusqu’au parking le plus haut (interdit de bivouac la nuit)
- Une petite zone de bivouac existe au pied du Mont Aiguille juste sous le socle au niveau des derniers arbres sur le chemin de rando. Cette option permet d’éviter la redescente d’une journée sur l’autre.
Dans notre cas nous avons opté pour l’option nord du côté de la Bâtie.
Le Mont Aiguille par la Voie Normale :
Pour réaliser cette ascension nous avons suivi le topo de Camptocamp suivant : https://www.camptocamp.org/routes/53925/fr/mont-aiguille-voie-normale
Depuis le point de Bivouac il faut compter 1h30 pour avaler les 4 km et les 620 m de D+ chargé avec tout le matériel de grimpe. Pour cette ascension nous sommes partie avec une corde à double de 50m et un jeu complet de coinceurs ainsi qu’une panoplie de friends pour parer à toute éventualité.
Malgré les indications du topo la localisation du démarrage de la voie a pris un petit peu de temps. Pour faire simple il suffit de suivre le sentier, monter entre les arbres sur la crête jusqu’au pied du socle puis de traverser le long du socle vers le nord.
En longeant le socle et en observant attentivement vous devriez repérer le départ de la Tour des Gémeaux qui peut se faire depuis la marque bleu (attention cette première partie ne correspond pas à la première longueur mais donne juste accès au couloir de départ officiel situé derrière une énorme écaille.) ou en contournant le rocher un peu plus loin au nord ou vous trouverez un accès par sentier.
Vous passerez ensuite devant la plaque de 1933 du Club Alpin Français.
Le départ de la voie normale est encore plus au nord. Il ne faut pas hésiter à progresser en traversant sur les gradins plus ou moins scabreux jusqu’à arriver au piton historique marquant le départ de la Voie Normale :
Le topo de CamptoCamp est alors assez clair. La voie zig zag un peu dans tous les sens avec une grande traversée. L’ambiance est incroyable. Le rocher est assez sain. La progression en chaussure d’approche ou en grosse se fait très bien. Ne connaissant pas le terrain du tout nous décidons de tirer des longueurs ce qui prend pas mal de temps. Les relais non chaînés sont bien présents et des points jalonnent la voie de ci de là. Par chance, le week-end n’est pas surchargé sur le Mont Aiguille vue la météo médiocre annoncée.
Un peu plus haut nous nous égarons dans une grande traversée. Il faut alors rechercher les points très très espacés pour retrouver le bon chemin. Au final la porte de sortie se situe au niveau du sapin caché un peu plus haut.
La voie continue alors de façon plus évidente jusqu’à l’entrée de la grande cheminée finale. Cette dernière est équipée d’un câble en acier mais il est bien plus pratique de grimper en libre que de tirer au câble.
Et voilà la vue depuis la sortie de la cheminée au sommet du Mont Aiguille :
Le sommet du Mont Aiguille :
Une fois en haut le paysage est à couper le souffle avec ce plateau herbeux en légère pente perché au milieu de la vallée. Véritable ile suspendue au milieu des nuages, le Mont Aiguille offre une vue à 360° sur toute la région.
Etre arrivé au sommet est une belle réussite mais maintenant il va falloir redescendre dans ce dédale de pierriers tous plus exposés les uns que les autres. Le topo indique 2 méthodes descentes possible. L’une par l’extrémité du plateau l’autre directement par une une série de rappel droit dans le couloir de descente des Tubulaires.
Pour cette première journée nous allons tester la descente par l’extrémité du plateau annoncée comme plus engagée que l’autre.
La redescente par l’extrémité du plateau
Pour trouver l’accès de cette voie de descente il suffit tout simplement de se diriger vers le point le plus bas du plateau. On passe alors devant l’accès direct des Tubulaires avec sa plaque circulaire 1992. On continue à descendre le plateau jusqu’au point le plus bas qui donne accès à un premier ressaut technique en pierre. Pour éviter le risque de chute de pierre certains guides préconisent de le désescalader. Vu l’engagement du passage nous préférons poser une corde comme main courante sur un point équipé. Le petit ressaut ne fait que quelques metres mais aucun droit à l’erreur n’est possible. Et ce sera le cas durant toute la descente du Mont Aiguille qui au final est bien plus engagée que son ascension.
Une fois ce petit passage technique franchi la descente se poursuit par une grande vire qui contourne toute la pointe du Mont Aiguille.
Ce chemin de descente offre l’occasion de découvrir un paysage grandiose et surtout une arche en pierre magnifique. La descente est aussi l’occasion de rencontrer les nombreux bouquetins qui peuplent les pentes sur Mont Aiguille :
Cette traversée permet de récupérer le couloir de descente principal des Tubulaires. Il faut alors faire attention aux risques de chute de pierre venant du haut par ceux qui descendent droit dans le couloir tout en prenant garde de ne rien faire partir vers le bas. La descente est assez impressionnante et la pente est assez raide par endroit. Vous pouvez évoluer en solo si vous êtes à l’aise avec le gaz ou bien vous encordez court ou même poser une corde sur le bord du couloir. Des points sont effectivement présents ça et là pour installer des cordes fixes qui peuvent servir de main courante. La fin de la descente du couloir devient plus expo avec une pente qui s’accentue au niveau d’une rupture de pente. Si vous avez un doute de savoir si vous êtes dans le bon couloir, pas d’inquiétude. Les points équipés sur les bords latéraux vous confirment que vous êtes dans le bon couloir. Et tout en bas quand la rupture de pente arrive, faites quelques pas encore vers le vide et vous découvrirez les câbles acier posés pour l’accès au rappel intermédiaire. Plusieurs rappels sont installés de part et d’autres de la voie de descente. Opter pour les relais les plus à droite à farce au vide. Ces relais permettent d’être mieux axés pour la descente.
Ce rappel intermédiaire permet soit de descendre sur la vire intermédiaire vers le sapin sur la droite puis de faire un second rappel complémentaire soit de descendre carrément en bas pour remonter ensuite en solo de quelques mètres. Si vous avez une corde à double de 50 mètres il ne faut pas hésiter à tirer directement jusqu’en bas. Vous gagnerez du temps et de l’énergie.
Une fois remonté sur la vire supérieure il suffit de contourner le rocher pour trouver les sapins et les relais pour le rappel principal.
Si à l’époque le rappel se faisait sur l’arbre qui possède encore les traces indélébiles des milliers de cordes tirées au fil des décennies, 4 lignes de rappel sont désormais installées en dur. 2 sur le rocher au dessus de la vire, 2 sous les arbres en dessous. Si vous avez une corde à double de 50m il est possible de prendre les relais du bas qui permettent de court circuiter l’arrivée intermédiaire et de finir directement dans la boite aux lettres.
Le rappel final en fil d’araignée est tout simplement magnifique avec une descente dans une fissure géante :
Les relais du rappel final :
Le rappel est long. Près de 50 mètres en fil d’araignée ! Attention à la montée en température du descendeur !
Une fois arrivé en bas, si vous n’avez pas tiré directement dans la Boite aux Lettres, la descente n’est pas encore finie. Il faut en effet récupérer le matos et s’engager dans la descente/désescalade de la Boite aux Lettres : une cavité située en contre bas. Le rocher étant fortement patiné un point de rappel est prévu en contre haut pour assurer le pas délicat.
Et voilà la descente presque terminée. Il suffit alors de s’engager dans une fissure finale pour sortir de la montagne et retrouver les pentes abruptes et les pierriers du Mont Aiguille par lesquels on est arrivé.
Il ne reste plus alors qu’à rejoindre la zone de bivouac désirée avec une bonne descente en perspective. Le bivouac nord près de la Bâtie est probablement plus ombragé et plus frais que le bivouac sud mais au mois de juillet le soleil perce longtemps jusqu’à la rivière jusqu’à 19h-20h.